Le logement est l’un des sujets sensibles depuis de nombreux mois, qu’il s’agisse de sa qualité architecturale et technique, des publics qui l’occupent, ou encore de son mode de production.
Après une période de production de masse relativement industrialisée qui a produit le spacieux logement social des ensembles des années 70, le basculement dans la quête du plus haut niveau technique destiné à pallier les risques ultérieurs, a été progressivement développé et atteint.
L’arrivée de la RE2020 et la neutralité carbone, celle de l’objectif Zéro Artificialisation Nette des sols (ZAN) à la moitié du siècle, en sont de nouvelles preuves, auxquelles il convient d’ajouter la crise sanitaire en cours.
Autant d’éléments qui viennent donc transformer les conditions de localisation, de production, d’équilibre des opérations, d’usages et de conception du logement.
Le logement social aura-t-il un jour sa place en centre-ville ?
Le logement social pourra difficilement continuer d’être trop éloigné des équipements publics en raison des coûts du foncier, au risque de ne pas passer la barre de la règlementation particulièrement contraignante des années à venir.
Par ailleurs, le coût du carburant atteint ses limites pour les ménages, alors que le transport public manque là où la densité est absente. De fait, les collectivités locales sont interpellées sur leur politique de l’habitat ; mais les moyens dont elles disposent, sont-ils suffisants pour mettre en œuvre des projets plus vertueux ?
Certes, la VEFA constitue un outil avantageux en termes de localisation, mais elle court-circuite la maîtrise d’ouvrage sociale alors que celle-ci a besoin de se renforcer en raison des nouveaux enjeux.
La densification, même raisonnée, se heurte à l’artificialisation des sols, ce qui implique un nouveau regard sur le projet urbain du PLU, une réduction des emprises au sol, mais aussi une augmentation des hauteurs en raison du coût des terrains bien situés. L’urbanisme vertical peut-il constituer une réponse en matière d’habitat, dans quelles proportions et acceptations ?
Comment concilier contraintes économiques et redimensionnement du logement ?
A nouveau, le relèvement du niveau technique du logement va peser sur les contraintes d’équilibre des opérations. Les prix de revient augmentent déjà, sans que l’on puisse imaginer compenser ces hausses par des augmentations de loyers.
Dès lors, en l’absence d’aides circonstanciées, le recours aux fonds propres risque de pénaliser les OLS plus faibles. Bien sûr, le mouvement, actuellement esquissé de réutilisation des bâtiments existants à zéro carbone peut constituer une partie de la réponse, mais les limites techniques du patrimoine que la requalification ne peut pas totalement résoudre, demeurent.
Si le logement social d’aujourd’hui se maintient dans ses généreuses surfaces habitables des années 70, le logement s’est néanmoins transformé dans ses organisations et ses surfaces. La règlementation sur l’accessibilité PMR a supprimé l’entrée et la distribution du logement, et intégré la cuisine dans le séjour. Devenu l’espace polyfonctionnel central du logement, on accède au séjour directement depuis le palier, on y prépare le repas et on y mange, on y reçoit et on y regarde la télé, on y joue quand les chambres sont trop petites. On y a vécu confinés avec le Covid, et aujourd’hui on y télé-travaille. Les usages ont augmenté tandis que les surfaces ont diminué.
Le prolongement extérieur du logement constituera bientôt un incontournable. Balcons, loggias, terrasses sont-ils appelés à proliférer dans les programmes de logements sociaux, quand on sait l’investissement qu’ils représentent ?
Les parties communes des immeubles ne pourraient-elles pas remédier aux insuffisances des logements et offrir des espaces collectifs ouverts aux ménages ? Peut-on considérer des dispositions permettant aux habitants de reprendre la main dans ces espaces, parfois rejetés ou considérés comme uniquement fonctionnels, et que les bailleurs ont du mal à entretenir ?
Comment faire évoluer le logement en parallèle des ménages y habitent ?
Les ménages, eux aussi ont évolué. Alors que les logements des années 70 accueillaient, les familles « deux parents – deux enfants » dans les T3 et T4, la taille des ménages a sensiblement diminué, passant globalement de 3 à 2 personnes par ménage en moyenne, même s’il existe aussi une demande pour des grandes familles.
La population, en outre, vieillit et une bonne part de l’offre privée et publique ne dispose pas d’ascenseurs. L’offre, ainsi partiellement inadaptée en termes de formes et de capacité du logement, peut-elle être résolument transformée de manière pérenne, et à quel prix ?
Toutes ces questions nous assaillent dans un nouveau temps historique. De récents rapports sur la qualité du logement font des propositions. Au-delà, il semble que ce soit la chaine du logement qui est convoquée. Chaine qui assemble les territoires et l’habitat, l’économie du logement et les structures qui les portent, la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, et, plus lourdement, un nouveau modèle de construction et d’aménagement évolutif et flexible qui reste à inventer.
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¹ Rapport LEMAS sur la qualité des logements sociaux - 15 janvier 2021. Rapport de la mission sur la qualité du logement - Laurent GIROMETTI – François LECLERCQ – Septembre 2021.
Article publié le 23/05/2022